Et oui, c'est dans 12 jours déjà qu'auront lieu nos concerts Gabriel Fauré 2025 - en cors et en chœurs.
Mais saviez-vous pourquoi nous proposons une affiche si colorée pour un Requiem ?
Marc Chagall en musique
Vous aurez certainement remarqué que l’affiche de nos concerts accroche l’œil, elle surprend par un contraste coloré typique d’un célèbre peintre. Mais pourquoi ce tableau de Marc Chagall, dit la Lune rousse, a-t-il été retenu en illustration de nos affiches de concert pour le Requiem de Gabriel Fauré ? Cette œuvre réalisée en 1969 au Cap d’Antibes est une excellente opportunité de saisir l’expérience musicale à travers la peinture. Est-ce une représentation de la lumière éternelle, la Lux aeterna appelée à plusieurs reprises dans ce Requiem de Gabriel Fauré ? La musique contribue à cette quête de quiétude et sans doute davantage, de béatitude, et elle accomplit son rôle de médiatrice entre le divin et l’être humain. Tout ressemble à un coucher de soleil, mais en plus mystérieux, la nuit, où parait la lune, symbolisant le repos, quotidien ou éternel. Alors le chœur, accompagné de l’orchestre, fait offrande de sa voix, qui s’élève sur les cimes du temps, après avoir parcouru l’horizon crépusculaire ; puis le chant s’estompe pour laisser triompher les cors, et permettre à la cadence phrygienne cuivrée de flamboyer et d’illuminer ce tableau sublime, tandis que cet astre s’appesantit au loin, tout en laissant paraître ses derniers rayonnements. La puissance du tableau surgit après un silence, les premières paroles recueillies par le public, issues de l’Introït :
« Requiem aeternam dona eis, Domine :
et lux perpetua luceat eis »
Nous aurons l’occasion d’accueillir une délégation de la Chorale franco-allemande de Berlin auprès de celle de Nantes, grâce aux nombreux liens qui ont pu être tissés dans le réseau des chorales franco-allemandes. Puissent des forces vives de ces deux nations amies se retrouver autour d’un même projet et faire chœur de leurs voix ! D’ailleurs, saviez-vous qu’il existe un Café Chagall à Berlin, et qu’on retrouve des peintures de Chagall au musée d’art de Nantes ?
Nous savons que le peintre a toujours associé la musique aux arts visuels qu’il pratiquait. Dans son récit autobiographique Ma vie (1923), Marc Chagall, témoigne de son intimité avec la musique, il affirme vouloir « faire chanter le dessin par la couleur », tandis que l’artiste lui-même peint à chaque coup de brosse porté sur la toile sa métamorphose en musique et harmonie : il écrit : « moi-même, je deviens un son ». Il associera toujours intimement la musique aux arts visuels et entretiendra, sa vie durant, un dialogue continue avec les chorégraphes de son temps.
En témoigne la très célèbre fresque monumentale du Palais Garnier, réalisée de 1962 à 1964 à la demande d’André Malraux, soucieux de voir l’un des plafonds de la capitale repeint de multiples couleurs pour laisser souffler l’air des temps nouveaux et laisser passer la vision d’un peintre de son époque. En y prêtant attention, vous pouvez observer, sur cette fresque, cinq couleurs qui représentent chacune deux compositeurs au travers d’une de leurs plus célèbres œuvres : pour ne prendre que brièvement cet exemple, le vert est patronné par Wagner et Berlioz dont nous voyons respectivement Tristan et Isolde et Roméo et Juliette, vivre leur idylle perdue dans un paysage champêtre, revivre éternellement la tragédie de leur amour contrarié. De même, la grande mosaïque Les quatre saisons, réalisée en 1974 à Chicago, dont le nom évoque à n’en pas douter, l’œuvre éponyme de Vivaldi ou encore, en matière de décors et de costumes, ses œuvres pour le ballet de Ravel Daphnis et Chloé, représentées en 1961 à l’Opéra de Paris. Nous voyons bien que les œuvres de Marc Chagall sont inséparables de la musique.
Quant à la vie du peintre, il faut préciser que Marc Chagall a énormément voyagé. Ses œuvres sont empreintes de toutes les visions, de toutes les émotions et les expériences qu’il a pu capter entre l’Europe de l’Est et l’Europe de l’Ouest, mais aussi aux Etats-Unis, quand il a dû s’y exiler entre 1941 et 1948. De par ses œuvres, certaines brûlées lors de la montée du nazisme en Europe, d’autres spoliées, lors de ladite affaire Chagall, il s’est illustré comme citoyen européen, en contribuant à la culture, à l’art et au patrimoine européen, mais aussi comme citoyen du monde, aussi loin que puisse atteindre sa renommée et sa mémoire à travers le globe. Et nous sommes heureux de pouvoir percevoir pendant quelques instants, l’espace de deux concerts, cet héritage de Marc Chagall de l’Allemagne à la France, deux pays où le peintre a construit son œuvre et a laissé trace de son passage.
Certainement que notre lecteur et, espérons-le, auditeur et spectateur, percevra de lui-même les tableaux que nous composerons par le biais du Requiem de Gabriel Fauré, comme une lune rousse. Il constatera le prolongement du chant dans les branches de la vie, et ce, jusqu’aux cimes de l’arbre bigarré où l’aboutissement des puissances musicales s’épanouissent en harmonies bariolées, en chants colorés. De ces forces qui étaient alors contenues, il contemplera le ciel brossé aux mesures orangées du Requiem, ainsi que le crépuscule annoncé par la radieuse auréole de cet astre mystérieux, et de son reflet d’un autre côté. « Requiem aeternam dona eis, Domine : et lux perpetua luceat eis ».